• Les huit chouhada de Ksar El Boukhari

    Si la région compte plusieurs martyrs tués au front, les armes à la main, Ksar El Boukhari se souvient aussi de ces huit chouhada, exécutés par les hommes du criminel Roger Fleury, adjudant de la gendarmerie, tortionnaire et sanguinaire.

    Faisant partie de la première cellule politico-militaire du FLN, l’activité de ces huit militants, en l’occurrence Trabelsi Mohamed, Benameur Yagoub, Benyelles Mohamed Ali, Ould-Turki Benyoucef, Benameur Ahmed, Benkara Djillali, Benameur Yagoub Seghir et Yahiaoui Mokhtar est découverte après la mort de Bekbachi, officier de la Wilaya VI, tué près de Ksar El-Boukhari. En effet, à la disparition de ce dernier, son secrétaire ne parvient pas à brûler tous les documents compromettants, aussi, lors de la fouille, la police coloniale trouve sur l’un d’eux les noms des huit activistes et lance un mandat d’arrêt contre eux. Un mois plus tard, un gendarme répondant au nom de Ficher, ami du sinistre Roger Fleury, est exécuté en plein centre-ville de Ksar El-Boukhari. La gendarmerie ne tarde pas à sévir, réprimant férocement les Boukharis et sollicite l’aide de Roger Fleury pour contrer d’éventuelles actions rebelles.

    Le 7 février 1957, les huit militants sont arrêtés et transférés à Médéa pour y être jugés. Mais Fleury les « kidnappe » avant leur arrivée à Berrouaghia.

    Un ancien gendarme qui a beaucoup aidé le FLN a rapporté : « A Berrouaghia, Roger Fleury procédera en collaboration avec les militaires et les officiers des renseignements, au détournement et à l’arrestation d’un convoi militaire transportant un groupe d’intellectuels de Ksar El-Boukhari qui devaient être transférés au camp de Lodi à Médéa et ont été enfermés à la prison de la brigade. Mon épouse m’en fit part après les avoir entendus et les avoir reconnus dans la cave. J’ai réussi à les contacter. Je les ai reconnus et leur ai donné à manger à travers la lucarne de la geôle laissée ouverte. Le lendemain, vers cinq heures du matin et à travers mes persiennes, j’ai vu qu’ils étaient transportés enchaînés par les militaires, Roger Fleury en tête, en direction de Mongorno. A son retour, vers 8 heures, Roger Fleury, tout content, parlait dans la cour à haute voix avec les gendarmes français. Il disait que les prisonniers ont été tués, tirés comme des lapins. » Les huit militants ont été exécutés le 9 février 1957, deux jours après leur arrestation.

    Le même témoin a confié encore : « De retour au bureau, je remarque sur la table de Roger Fleury des pièces d’identité et des papiers divers. Il n’y avait personne. Une femme voilée s’est présentée à moi et m’a déclaré qu’elle était l’épouse d’un des prisonniers de Ksar El-Boukhari. J’ai pris les papiers tachés de sang du chahid et les lui ai remis. Elle est partie sans rien me dire. »

    Un autre témoin, Kouider, frère de Yagoub, Yagoub Seghir et Ahmed Benameur a raconté les derniers mots échangés avec Yagoub : « Le soir où il a été arrêté, je soupais chez lui. Nous avions discuté un peu et il m’a dit : C’est peut-être la dernière fois que nous sommes ensemble. C’est ce qui s’est passé. Je suis parti à la maison et le lendemain, j’ai appris son arrestation, il a été pris à l’école où il enseignait. »

    Retour sur l’activité politique des huit militants

    Entre 1955-1956, Benameur Yagoub et Yahiaoui Mokhtar se rencontraient à la ferme des Benameur pour discuter des actions à entreprendre et recevoir les ordres de leurs supérieurs.

    Kouider Benameur se souvient que le jour de son arrestation, son frère Yagoub « était en compagnie de Yahiaoui Mokhtar et de Trabelsi Mohamed et lui avait dit d’attendre. Il a bourré le châssis de ma voiture d’armes. En cours de route, avant d’arriver à la ferme, il me montre ce que je transportais. Il m’a dit : Je craignais que la peur te gagne. Je lui ai dit : Espèce de traître, il fallait me le dire ! A la ferme, nous avions bu un café et eux ont commencé leur réunion. Bakbachi avait sa liste sur lui. Si cette liste était restée chez son secrétaire, il n’y aurait pas eu d’arrestation. »

    Après deux jours passés dans les geôles de la gendarmerie de Ksar El Boukhari, les huit militants sont transférés à Médéa. Arrivés à Mongorno, Roger Fleury se charge de les exécuter. Kouider Benameur apprend la nouvelle et confie : « C’est à Berrouaghia que j’ai appris la nouvelle. Je suis allé pour reconnaître les morts. On avait jeté sur eux de la terre. L’un de mes frères portait des lunettes (il s’agit de Yagoub). »

    Trabelsi Abdelmalek a confié pour sa part que « les huit constituaient une organisation politico-militaire, la première de Ksar El-Boukhari, la première liaison dans la région a été établie au début 1956 ». Et d’ajouter que « lors de la grève, la gendarmerie, les indicateurs, la police, Roger Fleury et ses acolytes s’activaient beaucoup. Le chahid Trabelsi Mohamed était fort et à sa mort il avait le cœur arraché. »

    C’est dans la commune de Zoubiria, à Mongorno que cet abject crime a été commis. Comme ultime abjection, Roger Fleury fait exposer les huit corps près de Mongorno. La population de  Ksar El Boukhari et Berrouaghia observe un deuil général.

     

    Les huit chouhada de Ksar El Boukhari ont été enterrés dans une tombe commune au cimetière de Berroughia. Ils y reposent désormais en paix.

    Source : sahnounberrouaghia.blogspot.com/

    « Extrait du Journal Le Monde du 05 Avril 1957HISTOIRE D'UNE VILLE ksar el boukhari, la cité rebelle »

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