• Les tribus privilégiées du Centre.

    …….D'autres surveillent des régions montagneuses propices aux insurrection: su ne partie des Béni Zoug Zoug, les Ouzagha, surveille l'Ouarsenis.

    A la lisière du Sersou, ce sont les Ouled Ahmed ben Saad (qui se disant Chorfa) et les Ouled Aziz, d'origine marocaine ; ils dépendent de l'aga d'Alger, tandis que (sans doute pour éviter de dangereuses coalitions) les Ouled Halal et les Ouled Anter au Nord de Boghar dépendent du bey d'Oran.

    Dans le Titteri, au sud du camp de Berrouaghia, on trouve un maghzen, les Douaïrs de la région de Médéa.

    La région de Bouira est particulièrement importante : c'est par là qu'on passe de la vallée de Tisser à celle du Sous et dans la province de Constantine. On y trouve le Bordj Hamza, gouverné par un caid. Il se garde au Nord par les Nezlioua et les Harchaoua ; à l'Est par les Oulad Bellil ; et au Sud par d'autres tribus maghzen : longtemps ce furent les Arib, mais, lorsque les Abid, aidés par les Oulad Bellil, les eurent refoulés vers le Titteri, il y eut un renversement des rôles ; Abid et Oulad Bellil devinrent le maghzen, chargé de percevoir l'impôt au nom du bey de Constantine.

    A l'Ouest, les Béni Sliman, quoique en territoire du Titteri, sont rattachés à l'aga d'Alger, à qui ils fournissent des spahis — encore une précaution, semble-t-il contre les coalitions, dans un pays agité.

    La région du Djebel Dira, au sud du camp de Sour Ghozlan (appelé plus tard Aumale) était particulièrement instable. L'ancien maghzen turc des Arib, formé d'Arabes turbulents, ayant semé la haine chez ses voisins, perdit ses privilèges. Les tergiversations de ces Arib ont plus tard lassé Abd el-Kader et ils ont fini par se rallier aux Français.

    Quant aux plaines désertiques du Sud, elles sont surveillées par unmaghzen de nomades composé des Ouled Abdallah et des Ouled Ali ben Daoud. En réalité, c'est une noblesse militaire, qui se contente d'envoyer un cheval par an à Alger et qui fait ce qu'elle veut.

     

    Du côté de Boghari, le pouvoir des Turcs est aussi peu respecté.

     

    Comptent comme maghzen les Ouled Ahmed ben Saad et les Aziz. Ces derniers, qui dépendent de l'aga d'Alger, lui envoient de bons cavaliers.Les tribus privilégiées en Algérie


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  • Ma ville.
    Par Mohamed Dorbadj, vendredi 26 novembre 2010


      Comment décrire ma ville, ses ruelles et ses artères ? Je ne trouverai certainement pas les mots dans mon vocabulaire pour chanter ma ville et expliquer toutes les richesses qu'elle renferme. Tout ce que je peux dire c'est qu'il est tellement bon d'y vivre et que tous ceux qui y habitent sont heureux et enchantés d'être là. Je parlerai d'abord de tous les avantages de la population, son bonheur aussi et surtout les commodités de chaque maison de ma ville. Il est très agréable, par exemple, d'entendre le bruit de l'eau, telle une musique, dans chaque demeure. Quelle joie que cela nous fait, quand on ouvre le robinet à n'importe quel moment de la journée, dans nos maisons, pour écouter cette mélodie que fait ce liquide vital tant recherché partout ailleurs. Il nous arrive même de la voir chanter dans toute la ville, cette eau, ce don de dieu. Alors dans chaque quartier nous la voyons, avec plaisir, couler dans les rigoles de notre cité et toute la population écoute cet air enchanteur que fait l'eau, quand elle gonfle et d'un souffle de ténor casse les canalisations. Il est des fois qu'elle reste chanter plusieurs jours, alors tout le monde la voit partir en chantant, d'un air triste, vers l'Oued de ma ville.

      Dans ma ville, quand les citoyens sortent de leurs maisons après avoir, grands et petits, pris leurs douches, ils remarquent chaque matin, avec un sentiment de béatitude et d'extase, les ruelles et les artères, propres, bien lavées et les ordures ramassées. Nous n'avons pas ces grandes poubelles, ces décharges dans chaque quartier, débordantes de détritus, nauséabondes où viennent s'agglutiner, les mouches, les moustiques et où les rats élisent domicile, s'engraissent et prolifèrent. Au contraire tous les matins, nous sentons une odeur de jasmin, de roses et de fleurs de toutes sortes. Nous voyons clair, entourés de vert reposant et nous avons un bonheur des yeux et du cœur. Nous sommes heureux de cette situation et de notre sort dans notre ville. Nous remercions tous ceux qui y sont responsables de la verdure, des espaces verts et des jardins et de la grandeur de notre ville. Les enfants aiment longer ces allées et gambader à l'ombre de toutes sortes d'arbres que la commune de ma ville soigne avec amour et attachement. Nous écoutons même, de bonne heure le gazouillement des oiseaux car nous laissons les fenêtres ouvertes. Les moustiques me direz-vous ? Nous ne connaissons nullement ces petites bêtes depuis longtemps car notre APC prend toujours la sage décision de désinfecter et détruire à temps les larves de ces maudites bêtes, porteuses de maladies pour la population.

    Le soir, la nuit tombée, en été, nous sortons en famille pour nous promener dans les boulevards de ma ville, illuminée de toutes sortes de guirlandes et de lumières de toutes les couleurs. Les familles se croisent et se saluent, des fois même se font un brin de discussion sur la beauté de leur ville. De temps à autre des camions arroseurs passent, pour laver les chaussées et donner de la fraîcheur à l'environnement.

    Les gens de ma ville sont heureux, ils ne se pressent pas le matin pour sortir car les bus arrivent à l'heure. Tous les matins les mères de famille aiment à dire, tiens ! Le bus de 7h45 arrive ou de 6h 48 ou autre...Il suffit donc de sortir pour le prendre et arriver à l'heure au travail. Tout le monde est heureux dans ma ville. Quand on rentre dans les administrations de ma belle cité, tous les employés vous observent avec le sourire et de la considération dans le regard. Ils s'empressent de vous saluer comme si vous étiez un parent ou un ami cher. Ils vous demandent l'objet de votre visite avec une courtoisie qui vous donne chaud au cœur et qui le premier vous rende le service.

    Soudain !une stridente sonnerie me réveilla. Je venais d'entendre le réveil matin sonner, je me suis levé péniblement, déçu de me retrouver dans la réalité, je me suis dit, cependant, qu'il n'est pas interdit de rêver et qu'un jour, peut-être, ce rêve deviendrait réalité dans ma ville.

    Dorbadj Mohamed,


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  • Par   Mohamed Dorbadj  


    En ce moment des élections locales chez nous, alors j’ose espérer que cela sera une réalité des rêves que nous avons vécu longuement concernant l’environnement et la gestion de nos villes. Je me suis, donc, évertué à tâter le pouls de ma ville, dans laquelle j’étais né et vécu. Je me suis efforcé une fois, il y a très longtemps, à décrire, merveilleusement, ma ville mais malheureusement le matin je fus réveillé par la sonnerie de mon réveil et j’avais compris que c’était un songe superbement agréable. Aujourd’hui donc je tends l’oreille et j’écoute les pulsations de mon village, une cité alitée et méconnaissable, qui trouve beaucoup de peine à être une ville, malgré ses gémissements et ses contractions. A voir, par ailleurs, la bousculade des candidats au seuil des partis politiques, afin de solliciter un poste sur la liste pour s’engager à servir la population de ma ville, nous pouvons espérer, cependant, à être confiants de l’avenir radieux de notre bourg, mais nous sommes en même temps sceptiques car nous avons été leurrés chaque fois que nous avons accepté de croire et admettre de vaines paroles pendant les campagnes électorales.
    La ville de Tlemcen m’a subjugué en la visitant il n’y a pas longtemps. Non ! Je ne parle pas des infrastructures consenties et réalisées et qui sont d’une beauté digne d’une ville dont l’histoire est millénaire, mais de l’ombre et de l’ombrage que cette cité offre à sa population et à ceux qui la visitent. Les platanes semblent envelopper cette ville pour la préserver de la laideur de la nudité et de la pâleur du site. Ma ville à moi est nue, elle ne rit plus, elle a un visage jaunâtre et une allure d’un être qui a négligé son vestimentaire à travers les ans.Elle fait entendre des râles en respirant. Ma ville a l’air d’un mendiant malade qu’on persécute et qu’on méprise.
    Et pourtant il fut un temps où dans ce village des gens illustres y ont vécus et la vie culturelle remplissait de bonheur la population. Beaucoup d’auteurs de renom ont cité le nom de notre agglomération et ses habitants sur les plans de l’artisanat, l’élevage des chevaux et de l’art… Mon village appréciait la musique et la poésie, les poètes et les orchestres pullulaient au milieu de gens mélomanes qui savaient considérer le ver, le rythme et la parole. Mon village était habillé de la bonté de ses habitants et des arbres merveilleusement alignés. Le silence a pris le dessus, mon village maintenant s’est tu, car il a de la peine à être écouté et on entend à peine sa respiration.
    Encore une fois une main est tendue à ceux qui se précipitent, s’agitent et qui se lient par des promesses pour couvrir cette nudité criarde et cette pâleur maladive de ma ville. Elle est tendue cette main, d’un village en vieilles hardes, aux hommes et aux femmes d’honneur et indignés pour donner vie et faire cesser les gémissements douloureux de leur ville.

    Dorbadj Mohamed.le 21/10/2010


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  • L’espoir. Nous avons ouïe dire qu’il existe une association qui a pris à bras le corps ma ville, nous sommes allés voir et nous avons pu constater que le rêve a commencé à se réaliser. Il s’agit de jeunes gens de ma ville qui avec courage et persévérance ont couvert la nudité de ma ville. Qui de nous peut le faire si non des gens téméraire et audacieux, des héros qui ont jeté un habit protecteur et enveloppant sur ma vieille ville qui à trop souffert de son dépouillement s’offrant entièrement au regard méprisant de ceux qui la visitent. Pourtant l’opération était d’une simplicité déconcertante. Imaginons une femme qui perdrait d’une façon ou d’une autre ses habits en pleine rue, que va-t elle dire ?et qu’allons nous faire pour ce cas qui peut-être viendra le jour se présenter à nous ? Il fut un temps quand une femme en détresse hurle et appelle « Mes hommes ! »(ya rjali) mille hommes se présentent pour venir au secours de celle qui appelle. Il ya eu un cas pas très longtemps, à la télévision et après l’assassinat de Alloula. Une Oranaise criant de douleurs a dit qu’en Algérie il n’ya plus d’hommes. Le lendemain un homme de Khenchla lui a répondu, avec la même ferveur et avec courage, à la télévision : « Nous sommes ici et que les hommes ne finiront jamais de l’Algérie ! » Ma ville a tellement crié son désespoir qu’elle a fini par s’abandonner à sa précarité, à sa misère et surtout à l’incertitude de ne plus procréer d’hommes pour la protéger et relever son honneur bafoué, piétiné et surtout pour la munir de l’outrageante moquerie de ceux qui l’habitent et de ceux qui la visitent. Beaucoup d’APC ont passées, beaucoup d’hommes ont promis mais tels des étrangers de passages, personne n’a osé jeter son manteau sur cette vieille ville nue et dénudée, mais malheureusement quand l’intérêt est présent et la conscience absente on devient étranger dans sa propre ville. Mais voilà que des jeunes gens, d’une association, relevant le défi se sont présentés à cette ville pour la rajeunir et la protéger. Ils ont voulu effacer la honte d’une citée trop longtemps désespérée et trop longtemps attendu patiemment, la présence, de ses enfants venir la secourir et la couvrir du manteau vert de l’espérance. Un jour donc nous fumes surpris par une éruption d’adultes arbres aux feuilles luisantes et ce jour là l’espoir était né et nous avions compris que notre ville n’est pas morte et continue à procréer des hommes et des femmes qui sauront la couvrir et la protéger. Nous n’avons qu’une chose à dire à ses jeunes dévoués et indignés ! Vous avez répondu à l’appel pathétique d’une vieille ville qui a hurlé « Ya rjali ! »

    Dorbadj Mohamed.

    Ksar-El-Boukhari le 09/08/2013

     


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  • Par Mohamed BOURAHLA

    Quand le ciel se couvre de nuages menaçants et qu'il fait dur respirer, quand survivre devient une gageure et que les amis ne sont plus là, quand l'horizon se mue en cul-de sac et qu'il n-y-a plus de meubles à sauver, quand le silence ne peut plus être supporté et que la parole se doit d'être, s'engouffre alors, au pas de charge et sans crier gare, par la porte entrebâillée du dépit ou le trou béant d'un quotidien sans voix et sans éclat, la légion des souvenirs ; repères évanescents pour éclaireurs perdus, pis-aller de fortune pour rêveurs impénitents ou réminiscences floues d'un âge d'or mythique.

    Qu'est donc devenu mon village, cette cuvette torride qui me vît naître et que je n'arrive plus à reconnaître...? Ce n'était pas l'art et l'histoire au rendez-vous de la.cité, mais pour moi c'était plus que ça... l'imagination qui, dans les effluves du thé à la menthe que me servait Amara au "Café du marché", me faisait voir Vautrin sortir de la pension Vauquer; la maïeutique à chaque détour, pour parler soft ou la vie à pleines tripes, pour causer hard... pour parler d'hommes, de problèmes d'hommes tout simplement... au quotidien et dans un patois à donner le tournis aux puristes... malgré une chaleur incroyable, des perles de sueur à n'en plus finir, des gelées à faire gémir une jambe de bois; des cohortes de mouches qui n'avaient pas lues Sartre et pour corser le tout un vent de sable qui s'en foutait royalement de nos états d'âme. C'est ainsi que nous apprîmes à rêver et à contester et nous n'en sommes pas guéris.

    Pourquoi le Chélif a-t-il perdu de sa superbe et vers quelles contrées a-t-il décidé d'émigrer...? Pourquoi la Zaouia est-elle si triste et qui pleure-t-elle-donc ... ses enfants partis, sa mort prochaine, le vieux saint oublié ou l'indélicatesse des nouveaux venus ? Pourquoi le vieux Ksar nous tourne-t-il le dos et pourquoi a-t-il décidé de ne plus se confier...? Qui nous contera désormais l'histoire de ses trois fontaines, les secrets de ses ruelles et qui fera jaillir aujourd'hui de ses palais en ruines l'ineffable et le merveilleux ? Pourquoi le "pic de la vipère" nous regarde-t-il aussi amèrement... sont-ce les vivants qui l'ont déçu ou est-ce les rions de "Benalia" qui lui manquent ?

    Qui me dira où sont passés "le triangle" et sa cohorte de footballeurs aux pieds nus, le champ Pergaud et ses rêveries, "Rambault" et ses amours à peine voilés et jamais démentis pour le vieux leader à longue barbe ...qui me le dira donc ? Que sont devenues les berges du Chélif, où chaque soir, entre coassement de crapauds et soupirs de paumés, venait s'éclater le trop-plein de misère; qu'est devenu enfin le sinistre camp Morand où quelques uns d'entre nous, à l’aurore de la jeunesse, eurent l'insigne honneur de goûter l'hospitalité des geôles de l'indépendance pour avoir osé franchir à veto une frontière qui n'existait que dans l'esprit d'un minable soudard. '

    Que sont devenus El Houari, ancêtre éponyme du célèbre bras de rivière ; El Ouzdad, le rémouleur, Ch'mima et ses mystères, Jean-Bart et son ânon, N'guyen l'érudit, El Guisi le crieur public, Amara 'le meunier, Zerrouk ce maître du jeu de dames, Haidour et ses sarcasmes, Benaïdja et ses grillades, Boudissa et ses rengaines...? Il y en avait pour tout le monde et pour tous les goûts ! Où sont-ils ceux qui, sans trêve ni répit, faisaient défiler l'Histoire devant nos yeux éberlués et offusqués de voir tant de rois dénudés ; où sont-ils les autres, ceux qui, hier et déjà, l'allure hirsute et le regard fiévreux nous annonçaient les frayeurs futures ?

    Je me remémore encore ce dix neuf juin de l'année soixante-cinq, mon collège éclatant de blancheur, son directeur, qui fut le seul décideur que je parvins à aimer, toujours essoufflé, essuyant de grosses gouttes de sueur qui perlaient sur son front et insistant en vain auprès de nous pour ne pas jouer dans la cour des grands ou supposés tels... Nous souhaitions comprendre to ut bonnement mais nous ne nous rendions pas compte à quel point ce jeu était dangereux... ce fut là le tournant de ma vie, l'augure d'un désarroi qui perdure ! Que sont devenus ces jeunes adolescents pleins r!-;- fougue et d'entrain qui venaient à la vie comme certains se rendent à un festin...? avides de tout connaître, de tout changer, d'être pleinement ... tout simplement !

    Qu'est-il advenu de cette fameuse bande de la classe de troisième qui déferlait dans le monde à toute vitesse avant que les désillusions ne s'en emparent aussi vite, avant que la vie et les idées ne la séparent ... Que de conneries avons-nous pu commettre, que de sottises avons-nous pu proférer...! Où sont-ils tous ceux-là qui firent partie de ma jeunesse... Lakhdar qui vivait au dix-huitième siècle dans un monde de carrosses et de gentilshommes et qui s'accrochait à Freud comme à une bouée de sauvetage, Larbi tiraillé par des rêves de grandeur, Ali la Banane au sourire radieux et aux poches toujours pleines, Djâfar mon frère dont je n'aurais cru un jour perdre la piste pour des histoires d'origine...? Et moi, préfigurant déjà notre futur malaise, partagé entre Louis Lambert et Rastignac d'une part et des appels prolongés et intenses qui venaient du levant d'autre part... C'était là déjà, puérilement exprimé, tout notre drame ... assis entre deux chaises, à moitié debout ou à moitié assis, c'était selon... réfractaire à la modernité, traître à l'authenticité !

    La vie suivant son cours, ce fût plus tard d'autres amis, d'autres Brèves, d'autres expériences... avant que je ne me rende compte que nous-mêmes étions objet d'expérience ! C'était le commencement des désillusions ; les seules questions que nous nous posions étaient: celles qui n'avaient pas de réponses ... Nous commencions à voir les mythes sans leurs oripeaux et nos certitudes connaissaient leurs premiers ulcères... Nous avions mal partout, mais nous tînmes le coup car nous avions la jeunesse pour nous.

    Je revois Hamid drapé dans son attitude de prêtre, sirotant son café à petites gorgées comme pour mieux emprisonner le temps, Djamel partagé entre les pesanteurs du paraître e: :es exigences de l'être, Bouzid transcendant son handicap mais n'arrivant pas à imaginer que le Caire puisse être bombardé, Abdelkader "defnouh" me racontant en riant et pour l'énième fois, l'histoire de ces satanées crevettes qu'il avait mangées sans les décortiquer. C'était le début du civilement correct, quitte à s'étrangler... nous ne sommes pas sortis de l'auberge !

    Je me rappelle aussi ces interminables réunions qu'abritait le "café de l'araignée" et que de temps à autre, venaient  perturber les vociférations de Fanfan la tulipe, l'un d’entre ces fous qui avaient élu domicile au village ; présage d'une curée qui continue... Haro sur le baudet, sus au faciès, par tous les sophismes possibles… modernité oblige !

    Je sens encore cette humeur aussi acérée que les griffes du Sirocco et dont se plaignaient les vertus équivoques... Et autres choses encore, plaidoiries sous un soleil de plomb, murmures que couvrait la pénombre, inlassables moutures se succédant à brûle-pourpoint, confidences dans l'intimité de patios baignant dans des effluves de café à l'armoise, regards désabuses où l'aigreur n'empêchait pas la lucidité et où commettre un impair n'était pas la fin du monde

    Pour ne pas crever, pour ne pas marcher au pas, il fallait épiloguer... Sur un fait divers, de prétendues gloires, des renaissances supposées, des horizons obscurcis, bref, sur n'importe quoi ! Il importait de: marquer sa présence, car il ne fallait céder ni à l'ennui ni à la médiocrité, ni à l'étreinte d'un quotidien aussi laid qu'une campagne pelée.

    Au "café de l'araignée", ce n'était pas l'agora mais l'exubérance qui s'assumait ou l’exutoire à bon marché... nul n'essayait de minauder car il n'y-avait ni juges, ni lauréats, ni sanctions, ni cautions à verser... beaucoup même avaient du panache... Il n'y-avait pas de gamins parmi nous ou si peu, ou plutôt il n'y-avait pas d'adultes... il n'y-avait pas de doublure, de statues non plus et rien ne poussait au parricide.

    Pour ne pas vivre idiot ou crever gaga, nous étions constamment sur le qui vive ... l'état de veille stratégique, quoi ! Nous gérions nos propres fantasmes, constamment étonnés sans pour autant être éblouis, avec pour seules armes la répartie facile et l'ironie en bandoulière, véritables poisons pour tous ceux qui respiraient la bêtise ou la suffisance... nous étions un peu méchants et le savions, mais c'était là notre seul luxe !

    Tout était si simple, nous-mêmes étions si simples... une place au balcon pour la fantaisie, un sachet" de cacahuètes grillées et salées de chez Babay pour l'allure, un éventail de brochettes de chez Benaïdja pour l'illusion du festin et nous étions prêt à décoller... aujourd'hui les temps ont changé, les goûts aussi... on s'éclate dans un joint pour franchir les frontières, on s'investit dans un poncif pour marquer son génie, on s'accomplit dans la parlotte pour souligner le trait d'esprit... enfin, c'est le temps du fast-food et des rosés en plastiques et il faut s'y faire... en attendant des jours meilleurs.

    Mon patelin ce n'était pas pour autant une utopie et ses habitants n'étaient ni des anges ni des démons... des hommes sans plus, avec leur lot de bonnes et de mauvaises choses, de sublime rarement et de terre à terre le plus souvent ! Devrais-je avouer combien de sottises y-ai-je commises et de bêtises y-ai-je entendues...? Sans importance, cela n'y change rien ! Oh oui, mon Ksar ce n'était ni une ville sainte, ni le rendez-vous de l'histoire, bien qu'il eût un jour la fâcheuse idée de se trouver sur le chemin du combat fratricide ...sept ans n'ont donc pas suffi ! Mon Ksar n'était pas une ville quelconque pour autant, surtout pas un lieu dit... son terreau avait ceci de particulier qu'il y-poussait des herbes fort rares : La passion de la politique et le goût prononcé de l'esprit critique ... assez de crimes donc pour connaître le purgatoire sur terre.

    Plus tard, l'appel du Levant se faisant de plus en plus fort, ce fût d'autres rendez-vous, d'autres repères, d'autres rencontres, d'autres connaissances... ou d'autres reconnaissances à vrai dire... des hommes que la pudeur interdit de raconter... et puis en cours de route, le risque à vouloir être soi, à proposer autre chose, la transcendance et la communauté comme le dit si bien Garaudy... un risque prétendument assumé... sans aucun mérite toutefois ! Les hommes ne sont plus là, mais leur présence demeure... comme le sont la tension de la foi et la certitude d'une finalité déterminée.

    Hormis les problèmes récurrents, eau, emploi, logement, tout a changé ! Les amis, morts, transformés, exilés ou ayant perdu de leur pugnacité, ne sont plus là ; ceux qui sont restes ne vivent que par et pour les souvenirs ; leurs silences se font éloquents ! La ville ou ce qui er. reste, souffre les métastases de la "rurbanisation", le "pic de la vipère" n'a plus la majesté d’antan, les venelles du Ksar ont perdu de leur charme, les pèlerins de la zaouia se font invisibles, le café de l'araignée" a investi dans le trivial et le tribal ; il s'est trouvé d'autres chalands, sans doute plus près du potin et très loin des choses de l'esprit.

    Après de longues années d'écrémage, il ne reste presque plus rien de la ville que je connus... Que sont devenus les maîtres en politique, bretteurs émérites, tantôt bardes et griots chantant la geste d'illustres inconnus ; tantôt contempteurs au scalpel de feu, faiseurs de rois ou tombeurs de mythes ! Que sont devenus ceux-là qui juraient de ne plus servir de paillasson, où se cachent donc les poètes inconnus, ombres parmi les ombres ; qu'est-il advenu de ces mélomanes au goût averti, où sont-ils donc ces passionnés de théâtre qui, de longues heures durant, nous saoulaient de catharsis ou de distanciation sans jamais se prendre au sérieux, que sont devenus Toumia et Ch'mima, qui nous fera entendre de nouveau le rire de Fanfan ? Ksar-El-Boukhari, si tant aimé ou décrié, que reste-t-il de toi ?

    Il ne reste presque plus rien ... sinon Belkeir, silhouette effilée à la chevelure de jais ; des relents d'une vieille hospitalité pour dire l'horreur de l'exclusion, des ombres au détour de chaque ruelle pour ne pas oublier, des murs fusillés pour raconter les tumultes d'hier, des parleurs accrédités à la bouche sentant le renfermé , un semblant de nef, augure du prochain déluge ou de nouvelles exodes; un cimetière qui de plus en plus me rappelle l'image de celui qu'on prête aux éléphants. Ksar-El-Boukhari... malgré tout, on y retourne pour mourir !Souvenirs de Ksar El Boukhari par Mohamed BOURAHLA


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